Goddy Leye entre dans l'absence

C’est souvent dans le silence de la nuit, à l’abri des regards et des lumières que les grands esprits s’en vont. Sans aucun témoin pour partager leurs derniers moments. Sans ultime performance pour la postérité. Tel Rigobert Ndjeng entré dans l’absence le 24 Janvier, Goddy Leye a cassé son pinceau, rangé à jamais ses appareils photos dans la nuit de vendredi à samedi 19 février 2011 à l’hôpital de district de bonassama par Bonabéri.

Pas besoin de diplômes pour être passionné et professionnel. Juste de bons mentors. Au terme de sa maîtrise en Lettres à l’Université de Yaoundé I, c’est auprès de l’artiste et Historien Pascal Kenfack que Goddy Leye, suit une formation artistique entre 1987 et 1992. Il devient artiste indépendant la même année et commence sa carrière comme plasticien. Très fortement marqué par l’Histoire et la Mémoire, son travail se fonde essentiellement sur ce qui s’apparente aux récits, mythes et mythologies. Petit à petit, il évolue vers d'autres formes d'expression: la photographie, l'installation et la vidéo. Une évolution justifiée par deux années de résidence à la Rijksakademie van Beeldende Kunsten d'Amsterdam entre 2001 et 2002.

 C’est dans le souci de transmettre mais surtout de monter des projets mêlant échanges interculturels et travail avec les milieux populaires qu’il monte en Octobre 2003,dans son quartier Bonendale, avec Luc Foster Diop et Ginette Daleu, le centre de développement pour la création contemporaine expérimentale Art Bakery. Une structure destinée à l’amélioration du confort intellectuel et esthétique des artistes en suscitant une relation constante d’échanges entre le public et les professionnels. Depuis 2003, elle a reçu des artistes du Cameroun, du Congo, du Togo, de l'Inde, de la Belgique et de la Suisse, non seulement pour des résidences mais également pour des discussions professionnelles sur le métier de plasticien et son évolution, des ateliers de création vidéo et de sites web. Il envisageait d’installer des locaux pour des ateliers de création, un laboratoire audio-visuel pour des œuvres de qualité, un centre de documentation avec des ouvrages de référence…Bref, de faire de Art Bakery, un véritable centre de recherche et un pôle pour les artistes, commissaires d’expositions et autres chercheurs. C’est à ce jour l’une des principales œuvres qui, si jamais elle subsiste permettra de pérenniser la mémoire de l’artiste.

Habité par un besoin infaillible de réécrire l’histoire, de changer les choses et les comportements, Goddy Leye a milité dans plusieurs mouvement dans ce sens. Quand il n’était pas fondateur comme pour  les collectifs Prim’Art et Dreamers. Initiateur de plusieurs projets révolutionnaires dans le domaine de l’art plastique, il monte notamment le projet Exitour de Mars à Mai 2006. Une tournée effectuée par sept artistes plasticiens partis de Bonendale au Cameroun à la rencontre de pèlerins et artistes locaux de Dakar, Cotonou, Lomé, Accra, Ouagadougou et Bamako. Sa dernière sortie artistique remonte au 05 février au Centre Culturel Français de Pointe-Noire au Congo pour l’exposition « Chocolate Banana », en compagnie de Bill Kouélany, un autre artiste africain.

Pour reprendre les propos de Didier Schaub, Directeur artistique de doual'art,l’injustice a encore frappé. Celle de la précarité, de la fragilité et de la vulnérabilité. Goddy Leye, Godfried Kadjo àl’état civil, né le 24 novembre 1965, achève la toile de sa vie à 46ans. Privant à jamais le Cameroun d’un infatigable chercheur, d’un talentueux créateur, d’un généreux passeur, d’un formateur dévoué, d’un analyste pertinent , d’un pédadogue appliqué mais surtout d’un riche érudit. Un grand intellectuel qui trône à présent quelque part, au Panthéon (très fictif) des arts de chez nous.

 G Tjat



31/07/2012
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