Il était une fois…Aïcha

La militante camerounaise est décédée le 15 Septembre 2011  des suites d’une courte maladie. Et pourtant pas un jour ne passe sans que son spectre ne déteigne sur ceux qui ont continué le combat.

Le jour où l’on m’a annoncé le décès d’Aïcha, je sortais d’un séminaire. J’appelais mes amis pour les inviter à partager mon perdiem. Ils m’ont alors rappelé l’objet de leurs interminables appels en absence. Aïcha, la responsable du kiosque du centre Access, était décédée le jeudi.

Sans savoir pourquoi, j’ai eu mal. Je ne la connaissais pas tant que ca. On s’était rencontrées deux mois avant au centre Accès. Je m’en prenais sévèrement à un de ses collègues pour mauvais service. Avec la douceur qui la caractérisait, elle m’a adressé des mots qui m’ont tout de suite émue. C’étaient des mots d’une « survivante », de quelqu’un qui avait connu la douleur et qui l’avait surmonté. Une douleur que j’avais certes perçue mais dont j’ignorais l’étendue des stigmates.

Lors de ses obsèques, j’eu le loisir de découvrir l’enfer qui était sien. De comprendre pourquoi elle avait abandonné le traitement qui la maintenait en vie.

Ses proches d’antan l’avaient abandonné une fois qu’elle avait perdu son travail. Vivant comme une récluse. Interdite de visite pour ses trois enfants, qualifiée de « honte » par sa famille. Pointée du bout du doigt à chacune de ses sorties. Même décédée.

La veillée funèbre, à défaut d’être interdite à ses « amies » et collègues a été ponctuée par des agressions en tout genre à leur égard. Vol, lancement de pierres, railleries à haute voix. Menaces d’interdictions d’assister à son enterrement. Les « enfants de Dieu » s’en livrant à cœur joie, pourtant censés promouvoir la tolérance en tout temps et en tous lieux.

Abandonnée à sa douleur, son seul refuge était le centre Access duquel elle partait  à des heures impossibles. Trouvant toujours quelqu’un à aider pour retarder son retour à la maison. Véritable distributeur d’amour et d’humilité par ses conseils et son attitude aux gens qu’elle y croisait.

Mais il arrive un moment ou la solitude devient insurmontable. Ou le soutien familial devient une urgence. La famille d’Aïcha avait répondu aux abonnés absents. L’avait rejeté au vu et au su de tous. Alors elle a baissé les bras. Laissé le virus dominer son être.

Succombant à l’ultime stade de la discrimination parce qu’elle avait décidé d’assumer sa vie : celle de mère célibataire, de séropositive, et surtout de militante lesbienne. 

G Tjat



31/07/2012
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